60 ans avant ma naissance, mes arrière-grand-parents et mes grand-parents, tous décédés depuis longtemps, ont vécu les affres de la Guerre Civile Espagnole, de l'Exode et des camps de réfugiés.

J'ai grandi, sans en avoir longtemps conscience, dans l'écho de l'onde de choc de ce passé familial lointain, traumatisant et occulté.

 Dans mon tout premier tableau à l'huile de ce format,

Je me vois là, image issue d'un rêve fiévreux, attachée malgré moi à ce passé douloureux qui se révèle dans l'ouverture d'une sorte de guillotine translucide aux couleurs espagnoles, portant des traces d'impacts, dont les machoires enserrent les lignes de sang du drapeau catalan.

Est-ce que je dors? 

Je ne lutte pas…

dans un demi-sommeil  je considère la situation et m'interroge.

Il n'y a pas de peur, ni d'inconfort,  juste le poids de cette mainmise.

Cette main cherche-t-elle à m'enfoncer, pousse-t-elle ma tête vers ce couperet ou bien me protège-t-elle?  Est-ce l'ombre de mes ancêtres qui est derrière moi et semble se retourner vers une menace située au delà du regard ? 

 Ou bien me suis-je égarée dans un labyrinthe de pensées, ligotée sans fil d'Ariane, pour me retrouver aux mains d'un monstre aux intentions inconnues ?

L'image est nocturne,

 floue comme un souvenir qui nous échappe,

ou comme la vision fugitive d'une scène dérangeante qu'on ne comprend pas bien, entr'aperçue l'espace d'une seconde dans l'entrebaillement d'une ouverture fugace sur un espace intime,  et qui reste imprimée sans que l'on puisse s'en libérer.

                                                                                                                                                    Blaspera